Philippe Laguerre
Texte 1
Je suis un avant-goût que mon maître bien aimé me laisse au tout-venant sur ma route.
Jean Denis
2014 – Banlieue de Chinon. Cette petite voix suave me parle en permanence. A la limite de la correction hypnotique (Celle qui nous suit depuis l’enfance et qui nous lâche en entrant dans la vie active). Ciel ! Mais c’est l’éducation au sens noble. Non ! Nous nous parlons perpétuellement et s’il n’existe de mots pour la nommer, si les récits épilinguistiques nous racontent la suggestion primaire du verbe : l’acte de nommer les animaux et en soit, de leur donner une certaine matérialité, nous créons autour de cette consœur des instants vécus, un trône, un royaume dans nos têtes. De redites en reformulations, tels des épimaques magnifiques, nous devenons notre propre discours sans avoir le besoin de nous en persuader. J’avais décidé de lui donner un prénom. Jean Denis. N’allez pas trouver de rationalité dans ce choix. Comme le supposait mon maître à penser, Hegel, « La philosophie a pour tâche d'élaborer le fondement du rationnel, elle est la saisie de ce qui est présent et effectivement réel ». J’étais aux toilettes. Mon emprise sur ce Comics des années quatre-vingt était tel que j’en oubliais même que Thor le dieu du tonnerre venait de se faire battre à plates coutures par son frère Loki. Dans une de ces bulles de texte, le dit Loki s’adresse directement à sa conscience : « Ai-je appris à vivre si loin des humains pour ne pas révéler à présent leur malhonnêteté et leur implacable certitude en toutes choses ? ». Sa voix lui répondit : « Que ton destin soit tel que chaque instant de quête ne soit pas dénué des enseignements reçus. Toi qui me représente, accompli ce que le très haut Odin a prévu. Même s’il faut trahir, cette traîtrise ne sera que peu de choses, comparées aux multiples choix qui se présentent à toi. Révèle ce feu qui te constitue ! ». Je relisais et relisais sans cesse cette phrase lorsque, à moitié épuisé par l’acte naturel, j’entends une voix à la tessiture familière. Je fixe mon regard puis inspecte aux alentours…Non ! Ce n’est pas le papier toilettes. Mes parents sont partis faire des courses. La canalisation mitoyenne n’est pas en cause. Il n’y a aucuns bruits parasitant. Vraiment pas. Je prends à nouveau le dit « Marvel » entre les mains. « Aurais-tu peur de moi. Je ne te veux pas de mal. J’attendais seulement que tu te décides à ouvrir les yeux ». « Là , je deviens fou ! », m’écriais-je. « Non, c’est en fait ma pensée qui va plus vite que la musique ! ». Je n’avais pas encore le moindre des apprentissages en matière de psychologie adolescente, mais je sentais bien que cette voix avait son propre système de communication et malheureusement, elle se faisait entendre comme « écho montagnard » dans ma tête. « Tu m’appelleras comme bon te semble et je te préviens qu’il vaut mieux m’avoir à tes côtés. Je suis ce que l’on appelle un conseiller de parcours personnel, un guide ». Si cette voix était le fruit de mon imagination, cela voulait dire que tous les mots que je n’utilisais pratiquement jamais, et pour la plus part, inconnus au bataillon, sortaient d’une entité étrangère. Toutes ces réflexions n’étaient pas argumentées de la sorte, mais cette voix, au sortir du lieu-dit, s’était tue. Mon père rentrait de son quart, de l’usine. Nous mangions et il était déjà l’heure de se coucher… Le lendemain matin, séance de saut en hauteur au collège avec Mr Camus. Mon professeur de sport avait la corpulence d’un « Schwarzenegger » du midi. Un cœur d’or. Patient et compatissant au regard de mes maigres performances. 1M20. Je ne dépassais pas cette hauteur et pourtant, juste avant de sauter, au moment de préparer mes appuis, la petite voix sortait de sa tanière comme pour me signifier que je pouvais, si je lui obéissais, franchir les 1M40, voire plus. « Tu peux te mettre dans la peau du vainqueur, si tu fais abstraction des camarades alentours. Crois-moi, l’auto suggestion est la meilleure des thérapies… ». « Abstraction ! Auto suggestion ? Ça veut dire quoi ? » Pensais-je. Bon, de toute façon, j’ai peu de chances d’y arriver. On se lance ! ». Je bondis largement au-dessus de la hauteur désirée, si bien que la plus part des collègues, y compris Vincent Scotto mon pote de conneries, en restaient bouche bée. « C’est bien, t’as mangé du Topset ce matin ! ». Mr Camus n’y accordait pas la moindre attention, car il savait que l’on pouvait, si l’on voulait, réussir à traverser l’épreuve. Le cours suivant : La catéchèse. École privée par et d’excellence, la musique, les arts plastiques absents à l’appel, Dieu nous accompagnait régulièrement dans le moindre créneau de notre emploi du temps. Le père Clément, petit homme rondouillet à la calvitie acharnée, tentait de nous ouvrir le cœur aux textes bibliques. Des contes et légendes supposées vraies pour mon âge bien qu’il m’était apparu curieux qu’en feuilletant mon nouveau testament, je ne trouvais aucune informations concernant la période 15-32 ans du présumé « chef des hommes bons ». A la fin de « l’office » hebdomadaire (car il prêchait plus vite que nous intervenions oralement), il s’avance dans ma rangée et me désigne afin d’écrire, sur la musique de l’hymne à la joie, le texte qui illustrera la prochaine messe du vendredi. J’avais jusqu’à la fin de la journée. Une heure d’étude passait par là , je me lançais au fil de la plume. « La musique est une mathématique sonore, la mathématique une musique silencieuse ». « Ho merde ! Encore cette voix qui me suit partout. Tu veux quoi ! Tu es moi ou tu viens d’ailleurs ? Arrête de me faire chier, je dois écrire ! » Murmurais-je en tentant de masquer ma folie aux yeux de tous. « Je ne comprends rien à ce que tu me dis. Les maths avec la musique ? Pourquoi ? Jean Denis, t’as pas autre chose à faire ? ». « Du calme ! C’est un texte autour de notre magnificence ? Alors accroche-toi Josette ! Ouvre nos esgourdes et laisse-toi aller ». Soudain, je vis la plume de mon Waterman, cavaler à toute vitesse. Au lieu de me servir de mon Micro Robert, j’écoutais et retranscrivais les strophes. Tout collait. Les alexandrins virevoltaient, les rimes souffraient de ne point être calculées. Au bout de dix minutes, le texte brillait comme le coup d’éponge de Monsieur Propre sur le carrelage bleu de ma création. J’étais si excité au regard du résultat, que je priais la personne qui nous surveilla tantôt, de me laisser aller afin que je puisse porter en mains propres le dit génie retranscrit. Cruelle déception ! Le père Clément n’était pas dans la petite chapelle. Je vais pour fermer la porte et rebrousser chemin quand un bruit strident me fit changer d’avis. Je referme derrière moi. C’était certainement la sono flambant neuve. Je m’avance dans l’allée centrale. Quelle quiétude. Pas à pas je profitais des odeurs encore fraîches de la dernière cérémonie. Je passe derrière le pupitre des lectures. (Pour les hâtés qui vont lire cet ouvrage…et grand bien leur fasse ! Nulle n’est mon intention de dénoncer un manque cruel de discernement entre « la chrétienté, foi individuelle. C’est même un acte de courage politique que de se défaire de tout héritage dogmatique, de toute affiliation eucharistique. Hormis la laïcité, c’est la croyance des hommes en l’homme providentiel qui suggère la bienséance et la morale. Je doute cependant que l’ensemble des brebis égarées soient capables de s’investir politiquement contre la remise en cause des valeurs morales. Seul l’autorité, et par-delà , celle de l'Église, accorde des privilèges d’expressivité et de débat à ses ouailles. Enfin, ce n’est pas le propos ! Le pupitre de lecture est un lieu qui, lors de la messe, accueille face aux adeptes les personnes qui tour à tour, vont lire des passages de la bible). Je regarde sur la petite étagère du meuble : Le micro était branché et devait très certainement faire parasitation avec l’ampli, puisque mes doigts n’ont pas effleuré l’outil que déjà , des larsens surgissent. Je sens la poignée qui s’ouvre : Le père Clément accourt. « Qu’est-ce que tu fais ici ? C’est toi qui as touché la sono. Mon Dieu, mais tu n’as rien à faire là ! Heureusement que Monsieur Oberg m’a dit que tu me cherchais. C’est pourquoi ? ». « Ben en fait, j’ai fini d’écrire le petit texte que vous m’aviez dit de faire. Je vous le donne… ». Et maugréant quelques excuses rapides, je reprends mon chemin. Pas un merci. Juste de la stupéfaction. « Merci Rabelais, rentre dans ta classe ! ». Pourtant, cette petite voix était peut-être un signe de l’au-delà , une force chrétienne, un démon. Je ne savais pas quel visage arborait Jean Denis. Je referme à nouveau la porte de la chapelle. « Père Clément ! Je peux vous parler quelques instants ? ». « C’est urgent ? Je dois préparer la séance de confession des 5°A. Mais bon, qu’est-ce que tu veux encore ? ». « Je veux vous en parler, mais en confession et tout de suite. Comme vous nous avez dit, c’est un lieu privilégié et secret où l’on peut tout dire. C’est assez important ». Et je commence à lui raconter toute l’histoire sans pudeur, y compris les moments phares qui m’ont permis de constater par moi-même, que cette voix avait une matérialité, une autonomie stupéfiante. Le père Clément ne s’était pas livré à ce genre de discussion depuis fort longtemps. Nous étions des exécutants. Il prêchait, nous abondions. Mais mon histoire avait tendance à le faire sourire. Par moments, il était suspicieux et par moments, dubitatif. « Bien ! Je vais te poser quelques questions pour savoir, si ce n’est pas le fruit de ton imagination. Je ne peux concevoir que cela en soit autrement mais bon ! Tout événement, quel qu’il soit reste rationalisable… ». « Quoi ? Ça veut dire quoi rationa...Vous parlez comme la voix que j’ai dans la tête ! » « Cela veut dire et ne me coupe pas, je te prie, que tout phénomène hors du commun prend appui sur des faits et des circonstances ordinaires. Est-ce que tu as une télévision dans ta chambre ? ». Cette question avait de quoi surprendre, mais elle n’était pas sans rappeler une discussion que j’avais entrepris avec Vincent mon pote de cour de récré. Il était étonné que je n’aille pas plus souvent dans les musées, ou que je ne fasse quelques foulées le dimanche en famille, dans le Parc Saint-Benoît. Nous avions heureusement nos habitudes dans notre résidence comme terrain de jeu. Nous ne vivions pas, aux dires de mes camarades de même rang social, d’une façon tout à fait normale. « Non, je n’ai pas de télévision. Quelque fois j’écoute quelques titres de groupes anglais sur le radiocassette de ma sœur, mais sans plus ! ». « Je te pose cette question car, tu le sais, lorsque nous dormons, notre cerveau enregistre les mots et les fragments de phrases qui sont énoncées autour de nous. Peut-être que tu ne pouvais pas les utiliser consciemment, mais qu’inconsciemment ces mots se sont faits jour et qu’ils se sont révélés à ton subconscient ». « Ce qui veut dire ? ». « En fait, ta pensée te surprend parce qu’elle vit avant tout une muta…Un changement dans sa façon de fonctionner. Tu verras, Il n'y a rien de plus beau qu'une clef, tant qu'on ne sait pas ce qu'elle ouvre. Rassure-toi, tu seras appelé à faire des choix. Soit tu suis la mauvaise voie et ce choix représente le « mal ». Tu seras puni. Sois, tu réfléchis à deux fois avant de te décider et là , tu verras que cette petite voix, ta conscience, sera la meilleure des conseillères. Mais je ne crois pas que tu sois aidé par un démon. Le démon est une représentation humaine : nous sommes tous libre d’aller vers le mal. C’est un chien attaché, pour te donner une image. Tant que tu ne t’en approches pas, il ne peut rien contre toi. Allez ! Va en paix ! ». Médusé mais serein, je ne me lassais pas de réentendre cette dernière phrase rassurante. L’école finie, rentrée au bercail ! Le soir venu, ma mère était en train de finir la vaisselle. L’arrivée de Canal+ dans notre foyer avait fait l’effet d’une bombe. C’était le temps des premiers décodeurs, les films les plus exaltants avaient eu un vrai écho. Une alternative face au lobby cinématographique qui imposait un délai toujours trop long entre la distribution grand écran et la diffusion petit écran. Ce soir-là , à minuit quinze, j’avais soudoyé ma mère pour qu’elle me réveille afin de ne pas rater l’ultime version colorisée de la « nuit des morts vivants ». Je me lèverais un quart d’heure plus tôt afin de m’enfermer dans le salon, sans que mon père ne le sache. Je ne sais pourquoi, à deux heures, je me réveille en sursauts. La maisonnée était éteinte. Tout le monde dormait du sommeil du brave. En sueurs mais avec un mal au crâne terrible, je fonce à la cuisine. Je vais pour prendre un cachet et là , Jean Denis sort de sa boite. « Pourquoi prends-tu ce doliprane ? As-tu si peu confiance en moi ? Je peux t’aider tu sais… ». « Tais-toi, je ne peux pas crier alors boucle-là ! Tu n’es pas réel. Tu n’es que moi. Je me parle. Tu es Rabelais ! ». « Oui, c’est vrai mais ce que le cureton t’a dit n’est pas tout à fait exact. J’ai une matérialité propre. J’habite quelque part. Tu m’as déjà rencontré mais, j’étais dans ma demeure. A vu de nez et si tu es suffisamment discret, tu peux faire l’aller-retour en une heure… ». « Ah ouais ? Et c’est où ? ». « Tu connais le château du bois de Guillaume ? Je n’en suis pas très loin. Viens et je te promets un changement radical, car au fond de toi, tu sais que tu as besoin de moi pour un petit bout de temps. Mais pour cela, il faut le mériter et vaincre ta peur du noir. Viens vers moi et je ferai le reste ! ». Tout petit déjà , j’avais peur du noir. Une veilleuse, un volet mi-clos m’était nécessaire pour passer une nuit sans encombre. Mes premières crises d’asthme ne sont sans doute pas étrangères à cette angoisse. Je dirais même qu’aujourd’hui, après avoir mûrit certaines questions concernant cette pathologie, le traumatisme de m’être retrouvé seul dans le noir d’une chambre exiguë, froide, au cœur du chalet des vacances hivernales des Alpes de Haute Provence, avait scellé mon devenir addictif au salbutamol. J’enfile un pantalon, attrape les clés sur la porte et m’engouffre dans la cage d’escalier. Le périple. Une lutte acharnée entre mon désir d’ignorer cette sollicitation et ma curiosité s’engage. Je n’avais aucun itinéraire mais cette voix m’avait assuré que je saurai où m’orienter. Ce n’était pas compliqué. Je savais qu’il fallait aller dans le vieux bois de Guillaume. Lieu où nous jouions tous les week-ends, mes camarades de la résidence et moi-même. Le plus brave de nous a peur de son moi. J’avais la frousse d’affronter mon ennemi qui ne semblait pas en être un. La forêt n’était pas loin. Je venais de parcourir un kilomètre et demi et pourtant, je ne sais quelle force conduisait à ma place. Le vent se lève. Je vois au loin que le néon du stade de foot est cassé. Je ferai le trajet restant dans l’obscurité la plus totale. Déjà deux kilomètres et demi. Je suis sur le chemin serpenté. Je stoppe net et j’en appelle à Jean Denis. « Continue. Ce n’est plus très loin. Au bout du chemin tu prends à droite et tu verras la vieille demeure désaffectée ». C’était marrant de l’entendre utiliser ces termes. C’est en effet la façon dont je nommais cette vieille villa. A force de ressasser l’ensemble de ces questionnements, j’en avais oublié ma peur. Je savais que je ne risquais rien. Les branches d’arbres fouettent mon visage. Je suis à présent sur le palier. Comment pourrais-je vous décrire cet endroit ? Il y a peu, Patrick, Paul y avaient installé leur QG. Un endroit propice pour stocker les maigres butins pris dans les bungalows attenants au stade de foot : Canettes de coca, bonbons et petits gâteaux en tous genres. Ces délices étaient entreposés pour ravitailler à la mi-temps des matches, l’équipe de Foot locale de Chinon ainsi que l’équipe des visiteurs. D’apparence extérieure irréprochable, elle était cependant délabrée : Papiers peints décollés. Chaussures en tous genres du bâtiment, renforcées…Je sens que le sol se dérobe. Je tente de me raccrocher à la poignée de porte qui lâche… Réveillé en sursaut, je contemple ma chambre dans l’obscurité. Le néon du réverbère se reflète sur l’affiche d’Avatar. Un rêve. Ou un cauchemar. J’étais en âge. Avais-je rêvé l’ensemble de cette journée riche en enseignements. Un blues terrible me prend. La chanson d’Anita O Day « Early Autumn » me vient en tête. C’était un songe. Comment pourrais-je révéler une journée qui n’a pas existé ? Ce n’était pas un mirage. Jean Denis ne me parlerai plus. J’erre dans la maisonnée endormie. Un verre d’eau. J’avais une furieuse envie de croire à l’impalpable. Et si cet endroit cachait, à la nuit tombée, un indice sur la marche à suivre ? Le moyen de guérir d’une profonde solitude, liée à ce que je ne pouvais offrir aux autres ? La futilité de l’âge crée la discrimination sans arguments. On est « in » ou « out ». Je veux savoir. A l’image des pénitents sur le chemin de croix qu’ils ont choisi pour la repentance, je pars en pyjama, les pieds nus dans l’opacité nocturne. Le néon du stade éclairait le bungalow. Tous les éléments s’étaient tus : aucune brise. Aucun arbre qui me fouette le visage. J’arrive devant le pas de porte : fermée à clé ! J’avais pourtant pris l’engagement de ne jamais enfreindre la règle. Je ne devais, selon nos jeux d’enfants, en aucun cas rentrer dans l’antre de Patrick et Paul. Ils me l’avaient formellement interdit. Qu’importe, j’enfonce la porte. Encore humide et craquante, à la rigidité de mon coup, quelques sciures tombent au sol. Je suis dedans. Je remarque les quelques Playmobil que Paul n’avait pas voulu me rendre. Dans le noir complet, je manque de trébucher sur un journal gras. J’avais froid aux pieds et mes membres s’engourdissaient de plus en plus. Je ne connaissais pas l’endroit. La villa, vue de l’extérieur, semblait pourvue de quatre chambres assez grandes. J’entre dans la première. Un matelas éventré sur lequel était posée une photo. Je retourne à la lueur faible de la lune pleine pour en découvrir les contours : Cliché noir et blanc. Deux jeunes hommes, habillés en tenues règlementaires de travail. Ils se postent fièrement devant une machine industrielle. Très certainement, un silo à cacao. Je retourne la dite photo « Mai 1954. Moi et Jean Denis dans l’aile-Est ». Je n’étais jamais allé dans cet endroit. J’étais sûrement posté moi aussi, du haut de mes treize années, devant mon propre silo. Mes propres démons à terrasser. La photo, je l’ai gardée. Mais en essayant, au bout de toutes ces années, à définir une théorie rationnelle à tout ça, (fruit du hasard, Paul m’en aurait peut-être parlé inconsciemment ?), la petite voix qui ne m’a jamais parlé, s’est mué en espoir perpétuel : Je regarde le sourire de l’amitié entre ces deux hommes, et j’en discerne l’essence même. Le but de la camaraderie, c'est ce que l'on fait ensemble, non ceux qui le font. Seule l'amitié répond à la personne. Jean Denis me reparlera-t-il un jour ?